On innove, on innove…

L’an dernier, nous avions publié un article sur les innovations dans le monde de l’édition et à notre grande surprise, nous avions mis le livre papier à l’honneur. Lire l’article : 5 innovations dans le monde de l’édition.

Cette année, nous avons analysé les précieuses données du 5ème Baromètre SOFIA/SNE/SGDL sur les usages du livre numérique détaillées lors des assises du 19 mars 2015 (voir la vidéo ici) et outre les chiffres de progression très décevants (le nombre de lectures de livres numériques augmente certes de 20% mais n’est actuellement que de 18 % en France – contre plus de 50 % aux Etats-Unis), une charte nous a particulièrement frappés.

Critère de choix d'un livre numérique

Donc, on préfère aujourd’hui le livre numérique pour sa facilité de stockage et le livre papier pour le plaisir et le confort de la lecture.

Quand on lit cela, on pense à « lire un pdf sur un smartphone, ce n’est pas très agréable ». Mais nous sommes bien loin du livre papier transformé en pdf en 2015.

Le format epub 3 nous offre une palette non négligeable de livres enrichis, jouant sur le transmedia (cf. l’e-bd Je vous ai compris de Casterman, à voir ici) les annotations qui enrichissent le contenu (cf. Le bateau de Thésée de J.J. Abrams chez Michel Lafon disponible sur iTunes) et la praticité (cf. les e-books d’Assimil, qui évitent d’avoir d’un côté le livre et de le l’autre le CD ou le mp3). Tous ces livres enrichis (et ils sont nombreux notamment dans la jeunesse et le parascolaire) sont tournés vers la qualité de l’expérience utilisateur. Mais cette qualité est manifestement peu perceptible à date… puisque le papier reste synonyme de plaisir ! On comprend donc la réticence des éditeurs à innover sur ce créneau alors qu’ils se heurtent non seulement à des problèmes de modèle économique, mais également à des problèmes de visibilité (comment émerger sur iTunes ?). Le jeu en vaudrait la chandelle si les lecteurs avaient une réelle perception de la valeur ajoutée. Or, comme le souligne Nathalie Bloch-Pujo, Directrice du groupe Hachette Tourisme, lors de la table ronde « le livre pratique : quel destin numérique ? » du 19 mars 2015 (à voir ici), les applications Routard qui ont été développées ne se vendent pas, alors qu’elles sont moins chères que le guide papier et que, contrairement à la perception du lecteur, elles ont tout le contenu d’un guide papier. L’objet livre conserve une valeur symbolique plus forte.

Alors, comment innover dans le monde de l’édition ?

1. Les nouveaux modes de consommation du livre

Le débat n’est pas nouveau et prend une ampleur particulière en France grâce au soutien des libraires par les éditeurs. Mais jusqu’à quand ? L’industrie anciennement appelée du « disque » a longtemps résisté à l’ouverture de son catalogue et a fini par céder face à la montée en puissance de Deezer et Spotify.

Aujourd’hui, avec l’arrivée d’Amazon Unlimited, la bataille de la lecture en streaming est lancée.

homepageYouBoox

Et cette arrivée massive du géant américain bouscule les acteurs français d’ores et déjà présents (YouBoox et YouScribe) qui ont à date des catalogues restreints aux autoéditions, classiques et livres de petits éditeurs. Bien entendu, la bataille se joue (comme pour Netflix) au niveau du catalogue proposé et des partenariats avec les éditeurs.

A titre d’exemple, on peut lire l’ensemble de la saga Harry Potter sur Amazon Unlimited, alors que ce n’est pas possible sur YouScribe et YouBoox. Et si l’on regarde du côté des français, aucun titre de Marc Levy n’est disponible en illimité sur Amazon Unlimited et YouScribe, même des titres anciens. Vous pouvez par contre acheter les ebooks  sur les deux sites, consulter des fiches de lecture et des extraits.

A l’évidence, il va falloir trouver un compromis et une certaine souplesse. On annonce d’ores et déjà que Jeff Bezos pourrait devenir lui-même éditeur, quitte à racheter quelques maisons en difficulté (sur le modèle de Netflix).

Et les librairies ? Comme les disquaires, la librairie généraliste va devoir évoluer : spécialisation, nouveaux services, objet livres…

C’est dans cette optique que la start-up Orsery propose un nouveau service de livres à la demande. Une idée qui peut faire son chemin…

2. Les nouveaux contenus

Si la consommation du livre est en pleine mutation, les contenus évoluent également. Au delà du partage d’expérience de lectures – créneau sur lequel nous comptons aujourd’hui beaucoup d’acteurs et qui a placé le lecteur au niveau des prescripteurs (libraires et journalistes) – on voit aujourd’hui l’émergence de contenus adaptés à un nouveau mode de consommation.

La collection Points (groupe La Martinière) est la première maison d’édition à proposer une offre pour tous ces moments « perdus » : une heure de pause, 30 minutes de trajet, un quart d’heure d’attente à la terrasse d’un café : epoints.fr, la maison d’édition numérique dédiée aux lectures courtes.

La collection propose des nouvelles en fonction du temps de lecture disponible. Vous choisissez votre temps et on vous propose une sélection de titres d’auteurs plus ou moins connus. Chaque titre coûte moins d’un euro. Voici un exemple pour 10 minutes de temps à prendre.

epoints.fr

Et pour optimiser la viralité, l’opération #merciduretard, vous permet de vous faire pardonner en offrant un livre à la personne qui vous attend. Intelligent !

visuel_merciduretard

La littérature courte est également au coeur de Short Edition, une start-up familiale qui défend tout ce qui se lit en moins de 20 minutes.

Editeur communautaire, vous ne trouverez certes pas Delerm, Dubois, Desproges… mais des nouvelles et des poèmes d’écrivains en herbe, des BD et de la littérature classique. Alors on télécharge l’application et on lit une BD courte dans le métro ou on relit Les grenouilles d’Aristophane sur une terrasse de café.

Dans le même esprit, Addictive Pages, est une start-up qui diffuse des séries littéraires numériques, à lire sur votre smartphone ou tablette, grâce à l’application. Surfant sur le succès des séries télévision, ces séries littéraires transposent à l’écrit les techniques scénaristiques de l’audio-visuel. Un concept intéressant mais peu communautaire.

Histoires sérialisées et partage : ce sont les mots clefs de la plateforme d’autoédition Wattpad. Fondée au Canada en 2006, Wattpad compte aujourd’hui une centaine d’employés. Fin 2014, elle rassemblait 100 millions d’histoires, toutes langues confondues (le site est disponible en 26 langues) et chaque mois quelque 40 millions d’utilisateurs actifs, dont 85% utilisent le site depuis leurs smartphones et tablettes.

Comment cela fonctionne ?

Les utilisateurs sont en majorité des femmes (3 sur 4) et 50% ont moins de 18 ans : adolescentes et jeunes adultes, fans de romance, de bit-lit et de fanfiction. Un public qui se nourrit grâce au communautaire et à l’effet miroir qui en découle : j’écris, tu me lis, tu aimes, tu me corriges, tu me critiques, tu me suggères, je corrige et j’écris la suite. C’est ça un moment Wattpad !

Et ça fonctionne… Anna Todd, l’auteure d’After, paru aux éditions Hugo & Cie (tiré à 180 000 ex. en France) a écrit son roman sur Wattpad. Et elle n’est pas seule… le directeur de la communication de Wattpad estime qu’une centaine d’utilisateurs ont signé un contrat avec une maison d’édition. De quoi faire rêver nos adolescentes !

La plateforme a également attiré des auteurs connus : Margaret Atwood, RL Stine, Cory Doctorow, Paulo Coelho, Meg Cabot… même si ces comptes sont davantage promotionnels : quoi de plus simple que de mettre un extrait et d’inciter les lectrices à l’achat ou pour un éditeur, de tester un roman à publier !

En dernier point, Wattpad est un nouveau moyen de communication sur cette cible pour les annonceurs. Aux Etats-Unis, Wattpard est un outil utilisé par Harlequin, Unilever, NBC Universal et 20th Century Fox. Un modèle à surveiller !

A noter qu’il existe en France une plateforme sur le même modèle : Scribay, mais qui est à date encore confidentielle. Et bien entendu, Amazon s’est lancé dans l’histoire avec WriteOn.

Nouveaux mode de consommation, nouveaux contenus : l’innovation dans le livre est aujourd’hui davantage sur ce nouveau type de plateforme que dans les livres enrichis. Mais nul doute que les choses vont évoluer. On reste curieux !

Photo de couverture : Growing Books, projet créé par deux australiens qui ont décidé de donner une nouvelle vie aux vieux livres abîmés. A voir également sur Fubiz.

3 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Anonyme dit :

    Très intéressant. Merci la belle !

  2. Merci pour ce post très complet !

    Bonne journée,

    §terenn.

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